La Barbe Est La Petite Robe Noire Des Hommes
La mode et ses codes jouent un rôle primordial pour les babys qui vivent dans le monde d’appartenance que sont les réseaux sociaux. On reconnaît les tribus à leurs looks qui en disent long sur leurs préoccupations.
La mode et ses codes jouent un rôle primordial pour les babys qui vivent dans le monde d’appartenance que sont les réseaux sociaux. On reconnaît les tribus à leurs looks qui en disent long sur leurs préoccupations.
Il y a d’abord le Poil, symbole de virilité et de sagesse chez l’homme, qui s’est porté sous la forme de cheveux longs ou mi-longs, barbe, moustache ou rouflaquettes popularisés par Easy Rider en 1969. Il est très en vogue à la fin des années 60 et au début des 70’s, auprès des hippies qui embaument le patchouli comme des BCBG parfumés au Brut de Fabergé. Même le Président Valery Giscard d’Estaing portera des pattes, pour faire pop’.
On le dit de gauche, mais il est de droite quand il repousse au milieu des 80’s sous forme d’une barbe de trois jours faussement négligée, savamment entretenue avec une tondeuse électrique avec sabot par les rois de la finance et de la com’. C’est l’époque où les USA et l’Italie dominent l’industrie de la mode devenue minimaliste. La courte barbe italienne se porte avec un costume rayé trois pièces de chez Ralph Lauren ou Armani, des bretelles, rouges de préférence, ainsi qu’une cravate noire en crochet. Les Italiens ont toujours été un peu coquets et fans d’élégance anglo-saxonne. George Michael et Don Johnson, gominés et bronzés toute l’année comme les pubards de l’époque, se chargeront de la promouvoir auprès des winners des 80’s dans leurs clips et séries TV. La barbe de trois jours est la Petite Robe Noire des hommes. Elle fait tout de suite habillée, passe en toute circonstance. Elle se porte et s’enlève tout aussi rapidement. Elle est réservée à des control-freaks attentifs à leur public : Romain Duris, Jude Law, Pierre Moscovici, Steve Jobs, Tom Ford, Zinedine Zidane… La barbe fait son grand retour en force à la fin des années 90 avec l’arrivée des bobos. Amateurs de vêtements superposés et de musique pop-rock, leur style vestimentaire et pileux est inspiré des musiciens des petits groupes rock qu’ils écoutent en live dans les micro-boîtes de nuit à la mode. Leur look est inspiré par l’allure low profile des techniciens du son : jean taille basse qui laisse apparaître le haut d’un slip et parfois un bas de dos pas très glamour, baskets blanches pour être bien à plat et, sur un T-shirt blanc, un pull col rond qui peluche, ou une chemise à carreaux largement ouverte. Pour parfaire leur look, les ouvriers de la musique se font pousser une barbe de deux ou trois mois qui leur évite d’avoir à se raser. Chez les musiciens, c’est un formidable piège à filles.
La barbe marque la grande époque des DJ résidents au Baron comme au Silencio avec leurs groupes musicaux à la carrière éphémère. Hedi Slimane chez Dior Hommes, Zadig & Voltaire et The Kooples les photographient à l’entrée de leurs boîtes de nuit. La culture pop-rock favorise ainsi la communication de ces marques destinées à un public jeune. Elles proposent un look plus hype à ces nouveaux dandys barbus qui sortent le soir à la conquête des dancefloors.
Engagée, la barbe est très bien portée par Sébastien Tellier, Haider Ackermann, Brad Pitt, Richard Branson, Che Guevara, Rachid Taha, le Père Noël, Conchita Wurst, lauréate du 59e Grand Prix de l’Eurovision, Conor McGregor et environ deux cents habitués du Baron puis du Piaf dont Baptiste Lorber ou Charles Morin. Quant à la stach’, la stachmou ou encore la moustache, elle pose un vrai problème ! Elle a eu son quart d’heure de gloire le temps de l’hiver 2010 aux États-Unis avec Brad Pitt ou Jude Law, mais ils ont vite effacé cette erreur capillaire redevenue tendance en 2014. Mis à part Tom Selleck dans Magnum, Romain Gary, Ramdane Touhami, fondateur des cosmétiques Buly, Nicolas Ullmann, Emmanuel de Brantes et les movember, en novembre uniquement, pour soutenir la santé masculine, cette pilosité mal placée ne va définitivement à personne.
Extrait de La Mode Comme Observatoire Du Monde Qui Change | Écrit par Gérald Cohen | L’Éditeur – 19 €