Vestiaire Collective/ Sophie Hersan, Henrique Fernandes (assis) et Sébastien Fabre
Photo © Kasia Wandycz pour Paris Match

Vestiaire Collective – Une réussite totale et Durable

Au confluent du Luxe, du recyclage et de la technologie cette Start Up, qui ne pouvait être que française, a su anticiper l’avenir de la mode et de sa consommation. Née de la rencontre de Sophie Hersan, Sébastien Fabre, Alexandre Cognard, Christian Jorge, Henrique Fernandes, et Fanny Moizant, six trentenaires issus des métiers de la Mode et de la Tech qui se sont retrouvés autour d’un constat et d’un projet « En 2008, quand nous cogitions avec mes futurs associés, un chiffre était sorti, édifiant : 58 % des produits achetés neufs n’étaient portés qu’une seule fois », se souvient Sébastien Fabre, PDG de Vestiaire Collective.

La révolution de l’industrie du Luxe français, la surconsommation des produits de la Fast Fashion, et les nouvelles habitudes de consommatrices atteintes du Syndrome Outfit Repetition (SOR), mais aussi la multiplication des ventes des placards bourrés jusqu’à la gueule des blogueuses des années 2000 et autres ventes de garages qui se multipliaient grâce aux réseaux sociaux … tous les signaux étaient au vert pour qui savait les décrypter et lancer le premier site de vente en ligne de vêtement et accessoires de seconde main aux tarifs plus accessibles.

L’effondrement du Rana Plaza le 24 avril 2013 a accéléré la prise de conscience mondiale des innombrables dégâts de l’industrie de la mode et de ses effets négatifs sur la planète et le climat et incité les clientes à recycler leurs vêtements en les échangeant sur ce type de plateforme, et à se faire un petit billet au passage.

C’est depuis un appartement parisien de 60 m2, en 2009, que les six associés débutent leur success-story en mettant en ligne la première version de leur site qui s’appelait « Vestiaire des Copines ». Comme dans toute success-story qui se respecte c’est l’époque à la fois difficile et exaltante où les fondateurs apprennent leur métier en triant eux-mêmes les premiers vêtements et accessoires qu’ils reçoivent, les contrôlent avant de les emballer puis de les apporter à la poste dans leur Austin mini.

Très vite leur modèle intéresse les investisseurs auprès desquels ils lèvent 1,5 millions d’euros en 2010, puis 7,5 millions d’euros en 2011 ; l’éditeur Condé Nast Publication mettra 20 millions de dollars en 2013 et 58 millions d’euros seront levés auprès du fonds Vitruvian Partners en janvier 2017 pour accélérer l’implantation du site et de ses entrepôts aux USA et en Asie.
En février 2012, pour favoriser le développement de l’internationalisation de la marque, Vestiaire des Copines change de nom pour s’appeler Vestiaire Collective. Mais aussi parce que les consommateurs sont devenus conscients de l’urgence de consommer responsable, durable. De plus acheter des vêtements de seconde main n’était plus une honte sociale, surtout que la nature des biens et des marques échangés sur la plateforme était montée en gamme, le copinage n’était plus d’actualité.

Les prévisions indiquent que le marché de l’occasion va se développer jusqu’à vingt fois plus vite que celui des commerce traditionnels, que d’ici dix ans un dressing type comptera plus de produits de seconde main que de vêtements et accessoires issus de la fast fashion, principalement pour des raisons de conscience environnementale.

Quant au marché de l’occasion haut de gamme, il est en passe de supplanter le chiffre d’affaire de celui de l’industrie du Luxe.

Mais les raisons du succès de Vestiaire Collective sont multiples, motivé par un pacte d’actionnaires redoutables. Tout d’abord un contrôle qualité au maillage ultra serré qui commence par une sélection drastique des pièces et des marques proposées par les vendeurs. Puis Vestiaire Collective réceptionne, contrôle et stock les pièces venus de toute l’Europe dans des entrepôts aseptisés qui n’ont rien à envier au laboratoire de Docteur No.

Ne sont acceptés que les produits tendances faisant partie d’une liste de cinq mille marques référencées par VC, et en bon état. Ils sont mis en vente sur une plateforme à la mise en page aussi léchée qu’un magazine de mode dirigée par Elvira Masson, qui fut Rédactrice en Chef de L’Express.

Les célébrités ont également leur rôle dans le succès de la plateforme. A la fois de Kim Kardashian à Kate Moss, les VIP font la promo du site sur leurs réseaux sociaux. Et qui dit VIP, dit traitement haut de gamme, c’est le rôle du cofondateur Henrique Fernandes responsable de la conciergerie « En plus de la gestion de leurs annonces, certaines clientes nous confient leur carte bancaire et nous faisons les achats pour elles sur le site, selon leurs consignes. On se déplace aussi pour récupérer de la marchandise ».

Quant à la maitrise de technologie, elle est fondamentale « Vingt-cinq à 30 % de ce qui est investi l’est dans la technologie » confie Olivier Marcheteau, DG depuis 2014. En 2011, à cause du changement de nom de Vestiaire de Copines en Vestiaire Collective, ils frisent le crash industriel. « On était à trois semaines de la faillite. On avait totalement dégringolé dans les référencements Google ».
Mais l’aventure ne fait que commencer. Installée à Hongkong depuis 2017, l’autre associé Fanny Moizant est partie à la conquête du très prometteur marché asiatique car si les femmes rechignent à porter de l’occasion, elles sont les premières acheteuses du luxe dans le monde. « A Hongkong et Singapour, les “office ladies”, les femmes qui travaillent dans les bureaux, doivent arborer le dernier sac, alors elles en changent souvent. »

« Et en Australie, en raison des taxes et de l’éloignement géographique, l’offre locale est insuffisante. Chanel s’y est installé il y a trois ans seulement. Les australiennes sont donc très clientes du e-commerce. »

Devant l’ampleur de la demande de produits de luxe, on comprend mieux pourquoi les Groupes de Luxe abandonnent progressivement les peaux exotiques pour n’utiliser que des peaux provenant de l’industrie alimentaire. Pour le plus grand profit des sites de dépôt-vente.

Adossé à la technologie, la France, sa « parisienne » et son art de vivre de plus en plus durable, sont un étendard profitable pour tous ceux qui savent le brandir.

« La mode est globale et les femmes chérissent cet héritage de la parisienne que nous incarnons » confirme Fanny Moizant à ceux qui en douteraient encore.

vestiairecollective.com

Écrit par Gérald Cohen | le 02/09/2019

Extrait de mon nouveau livre DIX MILLIARDS – La déferlante durable